Musée Haut, Musée Bas
Quand le musée
devient comédie !
Voici la critique de Musée Haut, Musée Bas.
Cette oeuvre est une comédie écrite par Jean-Michel Ribes.
Une pièce que Sandra Raco, metteuse en scène et la Troupe du Théâtre Royal des Galeries transcendent, pour notre plus grand plaisir !
Aticle d’Audry Hantson
Jeudi 21 juillet 2022
Séverine De Witte nous joue la visiteuse vexée, voire énervée… mais où sont ces Kandinsky !
Pour connaître les dates et les lieux de la « Tournée des châteaux de la troupe du Théâtre Royal des Galeries ». Cliquez ci-dessous.
Tandis que les visiteurs du musée apprécient ou non les œuvres, cherchent leur voiture ou profitent d’un drink… le musée, lui, poursuit sa propre existence.
Les œuvres, les guides, les gardiens, les artistes et surtout le directeur de l’institution ont tous fort à faire pour maintenir le “bâtiment” à flot, ou simplement tenir leur propre cap…
Cette comédie s’inscrit dans un rythme endiablé.
Si la pièce se compose d’un nombre incroyable de tableaux successifs, nous sommes loin d’une simple juxtaposition de saynètes.
Sandra Raco a réussi, en maintenant le tempo, en limitant le nombre d’acteurs, en multipliant les entrées et les sorties à donner une nouvelle vie à cette œuvre.
Une pièce dont le livret dans sa forme brute pourrait pourtant paraître comme relativement complexe.
Ici, le spectateur n’a pas le temps de s’ennuyer une seule seconde.
Les personnages défilent, vivent leurs aventures, reviennent plusieurs fois pour certains. Ils construisent ensemble la trame tantôt linéaire, tantôt foisonnante de ce texte et de sa gestuelle, si complémentaire.
La mise en scène et la réécriture offre un développement varié qui nous permet de suivre la quête de plusieurs personnages et surtout de l’institution muséale.
Maroine Amimi, Catherine Claeys, Marc De Roy, Séverine De Witte, Sarah Woestyn cherchent après leur voiture dans le parking du musée. Une sombre histoire de peintre ressort, ce ne sera pas pour faciliter la tâche de la famille…
Imaginez un gros cube dans lequel vous pouvez entrer mais qui puisse également s’ouvrir pour devenir un ou deux éléments au look moderne, faux-plafonds compris. En quelque sorte une œuvre en soi, minimaliste et hyper fonctionnelle.
Tantôt bloc d’ascenseur, mur de hall d’entrée, colonne de parking, zone d’accueil, billetterie, bar ou évidemment salle du musée, vous y verrez ce que la scène impose, avec, en plus, votre petite pointe d’imagination.
Un tas d’entrées et de sorties y sont aménagées, mais aucune porte. Tout est suggéré. Cela fonctionne terriblement. Un terrain de jeu autour et surtout sur lequel les comédiens s’en donnent à cœur joie.
Cette construction évolutive convient parfaitement à la pièce et à son caractère mobile. Son côté minimaliste, permet de la poser devant le fond proche ou plus lointain que constituera la façade du château du jour.
Enfin, n’oublions pas de mentionner le jeu de lumière et la musique, le premier très contemporain, la deuxième par le choix de grands thèmes classiques ou plus populaires donne une petite touche d’anachronisme incroyablement raccord avec les enchaînements déjantés des différents panneaux, avec la mise en scène et l’imaginaire décalé de Jean-Michel Ribes.
Tout est palpitant, tout est cohérent. Nous sommes plongés dans le monde surréaliste d’un musées, de ses gens, de ses œuvres…
Catherine Claeys, Séverine De Witte, Marc De Roy. Un musée c’est aussi un lieu d’expositions temporaires, un lieu d’émergence de nouveaux artistes, un lieu de socialisation par excellence. Un lieu, enfin, où tous les sentiments refoulés peuvent sortir comme exacerbés… c’est ce à quoi nous assistons ici lors d’un vernissage d’une exposition pour le moins… atypique.
Marc De Roy, Catherine Claeys, Maroine Amimi, Sarah Woestyn, Arnaud Van Parys se retrouvent en touristes menés à la baguette par Séverine De Witte, il faut dire qu’ils ne lui mènent pas la vie simple…
Catherine Claeys vous accueille dans son musée. Elle sera votre guide pour vous informer des grandes lignes de ce bâtiment unique et qui sera l’objet de toute votre attention durant les heures à venir…
Pour moi, le texte du début donne beaucoup d’indications que l’on se remémore par la suite. C’est très malin.
Les représentations de la vierge, l’intervention de Mickey, les passages dansants et l’humour purement visuel (type mime) sont des moments clés qui ponctuent parfaitement cette pièce.
Mais toute la pièce en elle-même est un temps fort qu’il est bon de vivre.
Vous rentrerez dans cette pièce de théâtre comme dans le jardin d’un musée (tiens, tiens… mais où êtes-vous donc assis ?), en groupe et avec une charmante guide un peu trop zêlée et qui vous donnera maintes explications sur les lieux, sur le bâtiment et son absence de perspective. Un musée qui, somme toute, préférerait ne pas exister… ou presque. Quoi ?
Oui !
Le ton est donné !
Nous plongeons dans l’humour tantôt oral, tantôt purement visuel, mais surtout dans une sorte de jeux partiellement absurdes au premier et au second degré.
C’est ici que le “direct” du théâtre devient un art vivant, une obligation. Un direct que le cinéma ne pourrait jamais “rendre”.
Sous nos yeux, les six comédiens vont se transformer en un claquement de doigts en plus d’une vingtaine de personnages différents.
Il s’agit bien là d’une performance, mais pas simplement. Les caractères sont campés avec brio et gardent chacun, suivant leurs apparitions disséminées, une constance et une justesse dans chaque interprétation.
La complicité est au rendez-vous, il n’y quasiment aucun monologue. Tout est ici affaire de rebonds, de réponses, de relances ou de positionnement. Une très grande maîtrise de l’art de jouer ensemble, à l’unisson.
Les comédiens nous emportent dans l’histoire jusqu’à son dénouement. Tout semble facile et pourtant rien que les nombreux changements de costumes sont impressionnants.
Séverine De Witte, Sarah Woestyn, Catherine Claeys, Marc De Roy, Arnaud Van Parys, Maroine Amimi. Toute la troupe avant le salut final.
Un petit bijou théâtral, une performance unique mais aussi une critique teintée d’humour de la manière, d’aller, de comprendre, de visiter, de vivre nos musées. Je n’ai volontairement pas abordé ce point dans mon article, mais c’est probablement un des messages que Ribes a voulu faire passer dans cette comédie. Vivons et ressentons nos musées, tout simplement. La pièce permet d’ouvrir le débat !