Écrit par
Hippolyte Wouters et
Jehanne Sosson
Mise en scène de
Jacqueline Préseau
Avec Magali Brouart, Stéphane Delvigne et Myriam Mesdagh
Ce qu’en dit le Théâtre de la Flûte Enchantée…
Une des angoisses les plus répandues chez l’homme est bien celle de ne pas connaître son destin posthume.
Lazare qui fut, dit l’Evangile de Saint Jean, ressuscité après quatre jours a eu quant à lui le loisir d’en savoir un peu plus sur le sujet. Il ne nous a pourtant rien dit sur son aventure extraterrestre. Quel coupable silence ! Quel manque de solidarité avec ses congénères !
Voici donc les aventures de Lazare entre sa mort, sa résurrection et sa vie terrestre posthume.
Dates et réservations :
http://lafluteenchantee.be/
La pièce s’ouvre sur un espace blanc et dépouillé, de la largeur de la scène mais peu profond. Apparaît au sol un linge tout aussi blanc sur un corps mort, probablement.
On se croirait dans une morgue mais le dépouillement absolu pose question.
Un petit temps passe, on observe.
Oui, c’est bien un linceul et fatalement, oui, c’est bien un mort.
Un mort… pas si mort que ça, car un homme semble se réveiller de dessous ce linge immaculé.
Il ne sait pas où il est, il est perdu. Il appelle sa femme, elle ne vient pas. Il a froid, il est seul et pourtant il est bien, drôlement bien même. Son mal et la maladie qui le rongeaient ont disparu.
Ne tarde pas à arriver son ange.
Un ange ? Que fait-il là ? L’homme se pose la question, serait-il au paradis ? L’être céleste lui explique que sa situation n’est pas si simple. A priori, c’est bien le paradis qui attend Lazare, à moins que…
D’une pierre deux coups, l’ange nous apprend donc que cet homme « mort-pas-mort-malade-guéri » n’est autre que Lazare de Béthanie et que sa situation n’est pas réglée.
On comprend vite que le dossier de Lazare ne reflète pas tout à fait sa vie sur terre, que ce dossier a été… comment dire… un peu bâclé. Bref que l’ange n’est pas très « zélé », qu’il n’est peut-être pas si blanc qu’il paraît l’être.
Arrive alors un archange qui ne voit qu’une solution pour remettre de l’ordre dans tout cela : la résurrection…
Une comédie à la fois classique et contemporaine, moderne.
La mise en scène fait référence, pour moi, à la fois au dépouillement classique, antique pour certains tableaux et au théâtre contemporain dans sa vision moderne, presque réaliste pour d’autres, le tout avec très peu d’accessoires, et des ambiances quasi intemporelles.
Il y a là un savant mélange qui nous fait passer avec efficacité du « presque au-delà » au « réel », le tout avec « presque rien ». Très cohérent et structuré.
J’ai trouvé cela inédit pour une comédie et c’est sans doute un des intérêts majeurs de la pièce.
Il s’agit donc d’une pièce tout en finesse, non tonitruante, mais au texte superbement bien écrit, saupoudré de quelques jeux de mots inattendus, très bien placés et très bien pesés car ils nous font réfléchir.
Deux décors, peu de variations de lumière ou d’effets, ici c’est le jeu qui prime.
Nous sommes loin du théâtre de boulevard ou du vaudeville. Nous sommes plus dans une forme à la fois classique et contemporaine, simple, efficace, d’un théâtre dépouillé sans être simpliste.
« J’ai peur du blanc »
« J’ai peur du blanc » une des répliques inattendues, volontairement à contresens, décalées et pourtant tout à fait logiques dans les situations relatées par la pièce.
Une réplique qui sort de la bouche de Lazare, joué par Stéphane Delvigne. J’ai aimé sa manière de déclamer et de dialoguer, une forme d’introspection partagée.
La pièce est extrêmement bien tenue par les trois acteurs, qui jouent cinq personnages… sans que cela soit complexe à comprendre, c’est très bien amené.
Quand l’ange, Magali Brouart rejoint Lazare, le monologue inquiet de se dernier se mue en un dialogue rebondissant, en crescendo, très à propos. Il nous permet de découvrir le Lazare terrestre et ses failles.
Des failles… l’ange en porte également. Tantôt enjoué, tantôt inquiet des quelques lacunes ou bêtises qui s’immiscent sans cesse dans son travail… le tout dans un jeu subtil parfois tendance canaille. Les répliques se conjuguent parfaitement.
Enfin l’archange, joué par Myriam Mesdagh qui ne laisse aucun doute sur sa personnalité forte. Une « force tranquille » (comme dirait Mitterrand), une force qu’elle trouvera aisément dans ses deux rôles tantôt pimenté d’une autorité forte, tantôt d’une pointe de vengeance… mais vous le découvrirez par vous-même.
Une comédie sobre au ton juste et deux questions…
Au final, j’ai beaucoup apprécié. Une comédie calme et fine au ton juste.
L’intérêt majeur de la pièce réside pour moi dans les questions sous-entendues.
Car, sans crier gare, la pièce vous amène doucement à la réflexion, à philosopher.
La première question évidente, qui est sans doute une question fondamentale de notre société : y a-t-il une vie après la mort ?
Et la seconde… plus complexe : au travers des relations entre les vivants, quelle place donner aux être disparus, quelles considérations leur porter quand on apprend qu’ils n’étaient pas forcément ce qu’ils laissaient paraître… tout un programme.
Deux questions difficiles à porter au théâtre et qui trouvent ici, pourtant, un espace concret, un contexte idéal pour être abordées. Un début de réflexion à poursuivre en votre for intérieur.
Pour toutes ces raisons, allez voir « Quatre jours de vie éternelle » !