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| Audry Hantson

Une cathédrale au XXIe siècle.

Interveiw du Doyen Lobet. Novembre 2021. Pick Kéobandith pour Inspiring Culture et Audry Hantson pour Little Tower Podcasts.

Pick Kéobandith :

Bonjour, Monsieur le doyen enchantée de vous rencontrer puis-je vous demander de vous présenter ?

Doyen Benoît Lobet :

Je m’appelle Benoît Lobet, je suis prêtre je suis aussi enseignant à la faculté de théologie de l’Université de Louvain. Université catholique de Louvain-la-Neuve. Le cardinal a souhaité que je puisse venir ici parce qu’il avait besoin de quelqu’un. Le cardinal que je connais bien depuis très longtemps . J’ai donc fini par accepter avec l’accord de mon évêque qui n’est pas le cardinal, au départ, mais qui est l’évêque de Tournai. Et, je suis depuis un an et demi à peu près, le curé des principaux clochers du centre ville (de Bruxelles) et le curé-doyen de la cathédrale des Saints Michel et Gudule, ici, au centre ville de Bruxelles.

Pick Kéobandith :

C’est une cathédrale qui porte un double nom : celui d’un Saint et celui d’une Sainte. C’est assez rare et c’est une manifestation très moderne de parité. Que pouvez-vous nous dire sur l’origine de ce nom ?

Doyen Benoît Lobet :

Alors, je ne sais pas si c’est une manifestation moderne de parité parce que je vous rappelle que Saint Michel est un ange et même un archange. Vous savez que la question du sexe des anges est une question extrêmement compliquée. Donc, je ne sais pas si on peut dire que c’est l’homme par rapport à la femme qu’est en effet Gudule. C’est une raison historique qui fait que nous avons deux titulaires pour cette cathédrale.

Gudule est une sainte des premiers temps de l’église, de l’origine de l’église, ici, à Bruxelles. C’est une Sainte très populaire vénérée au centre-ville (de Bruxelles). Les reliques ont un jour été transportées et la vénération populaire a fait que l’église principale de Bruxelles lui a été dédiée.

Quant à Michel, l’Archange Saint-Michel. C’est le patron de la ville de Bruxelles. Vous savez qu’il est aussi représenté au dessus de la tour de l’hôtel de ville par exemple et qu’il est également présent sur le drapeau de la ville de Bruxelles.

Pick Kéobandith :

C’est en cet édifice (la Cathédrale de Bruxelles) que sont célébrés les mariages et les funérailles des membres de la famille royale. Ces événements sont assez rares et je me demande donc quelle est la fonction principale de la cathédrale ?

Doyen Benoît Lobet :

La fonction principale de la cathédrale, c’est d’être comme tout cathédrale dans le monde : l’église où il y à la cathèdre. La cathèdre c’est le siège de l’évêque. C’est effectivement un siège, une chaise, si vous voulez. Vous la verrez d’ailleurs si vous allez voir le cœur de cette cathédrale. C’est un siège un peu plus haut que les autres avec les armoiries de l’évêque actuel qui est l’archevêque de Malines-Bruxelles. Pour le moment, il s’agit du cardinal De Kesel (Joseph) c’est son église.

La cathédrale est partout dans le monde l’église de l’évêque. L’église où l’évêque a son siège qu’on appelle une cathèdre. Ca, c’est la première fonction de l’église de Bruxelles. C’est donc une fonction catholique si j’ose dire… cette église est vouée au culte catholique, aux célébrations de la foi catholique.

C’est la première fonction mais ce n’est évidemment pas la seule. On va sans doute en reparler. Accessoirement c’est la première église du pays. Bruxelles étant la capitale du pays la cathédrale est la première église du pays. C’est aussi l’église de la famille royale, pour une raison géographique, c’est que la résidence officielle, je dis bien officielle, pas nécessairement réelle, des membres de la famille royale. Le palais royal est ici à côté et, le palais royal, se trouvant sur le territoire paroissial de la cathédrale, les premiers paroissiens, si vous voulez, ce sont les souverains et leurs familles c’est pour ça qu’ils se marient, ici, en général et que les funérailles sont célébrées ici, également, mais ils ne sont pas inhumés ici. Ils sont inhumés à Laeken, dans la crypte de l’église Notre-Dame de Laeken. à la périphérie de Bruxelles.

Moi j’ai la fonction, si vous voulez, de l’intendance habituelle. Je suis le curé. Je suis celui qui organise la vie paroissiale. La cathédrale est aussi une paroisse. C’est aussi l’église d’une paroisse d’une communauté paroissiale dont l’évêque ne s’occupe pas directement. L’évêque s’occupe de l’intégralité de son diocèse qui est très vaste puisqu’il va de Malines à Bruxelles. Moi, j’ai simplement la responsabilité de cette paroisse-ci (de la paroisse de la Cathédrale) et des paroisses des communautés paroissiales du centre ville de Bruxelles. Des principaux clochers du centre ville comme Le Sablon; Saint-Nicolas, le Finistère…

Se trouver ici au centre ville de Bruxelles, c’est assez paradoxal. Nous avons des monuments superbes au point de vue architectural, avec des accompagnements musicaux remarquables, et en même temps dans la population stricto sensu du centre ville de Bruxelles, on voit beaucoup de misère. D’abord il est évident que la crise de la Covid n’a rien arrangé: beaucoup de commerçants ont dû mettre la clé sous le paillasson et beaucoup d’autres ont perdu leur boulot, ont perdu leur emploi. Beaucoup de magasins de l’HoReCa (hôtel restaurant café, en Belgique), par exemple, ont fermé. Et puis, si on peut dire, il y a la misère du monde qui vient s’entasser dans les centres des grandes villes… Nous avons donc ce paradoxe d’avoir des églises remarquables, des architectures formidable, des accompagnements musicaux extraordinaires et en même temps, nous avons, en quelque sorte, à gérer aussi une grande misère sociale et une fragilité économique de plus en plus grande. On peut dire que nous faisons le grand écart, oui. Mais la vie chrétienne est comme ça.

La vie chrétienne a pour principe d’accueillir tout le monde. Il y a quelques SDF (sans domicile fixe) habitués et qui trouve pendant la journée un peu de chaleur dans la Cathédrale. Ils sont plutôt des amis si vous voulez. Nous avons un système d’accueil et un relais près de la Grand’Place, qui dépend du doyenné. C’est une antenne sociale qui s’appelle BAPO Bruxelles Accueil Portes Ouvertes. Nous avons des bénévoles et des professionnels rémunérés qui travaillent à accueillir le « tout-venant ». Des gens qui sont sans repères, pas nécessairement sans repère économique, mais quelquefois sans repère psychologique et qui ont besoin d’écoute d’abord, d’accueil et peut-être, d’un suivi social, qui se fait alors avec beaucoup de sérieux. Donc quand des personnes se présentent à la Cathédrale, en étant en quête, d’un suivi, d’un accueil, d’un accompagnement etc. ou d’une aide, nous les renvoyons à BAPO qui est près de l’Eglise Saint-Nicolas, près de la grand place.

Pick Kéobandith :

Quelles sont les raisons qui ont fait que ce fleuron du gothique brabançon soit déclaré « Site du patrimoine mondial de l’Unesco le 3 mai 1936.

Doyen Benoît Lobet :

Oh, les raisons sont assez faciles à comprendre. C’est d’abord la très bonne conservation de l’édifice qui a quand même, à peu près, mille ans d’âge, depuis le début des premières constructions. Ensuite c’est la qualité exceptionnelle de ce gothique brabançon qui orne cette magnifique église. C’est la clarté de la pierre blanche qui fait toute la beauté de l’édifice, c’est enfin le caractère exceptionnel du monument. Il s’agit d’une des plus belles cathédrales dans le monde. Ce n’est pas la plus grande, évidemment, c’est la plus majestueuse, mais c’est une espèce de bijoux dans son genre.

Pick Kéobandith :

Les visiteurs de Bruxelles s’arrêtent pour admirer la beauté et la simplicité de son architecture. Comment conciliez-vous cet aspect touristique avec la vie religieuse de l’édifice.

Doyen Benoît Lobet :

Nous accueillons les touristes très volontiers en essayant que l’expérience qu’ils fassent en pénétrant dans cette église ne soit pas seulement une expérience esthétique mais aussi une expérience, peut-être, spirituel au sens très large du terme.

Quand on entre dans une église et en particulier une belle église comme celle-ci on est aussi saisi par un certain silence. La possibilité qui nous est donnée, d’un certain recueillement, d’un certain retour sur soi.

Je suis impressionné, moi qui passe beaucoup de mes dimanches après-midi en aube et étole, soit en costume de prêtre si vous voulez, dans cette église pour répondre aux questions éventuelles des touristes. Je suis impressionné de voir combien ces touristes sont recueillis. Certains s’assoient plusieurs minutes dans le silence, dans le recueillement, peut-être dans la prière. Il en est qui mettent des cierges. Chacun sa dévotion si vous voulez. En tout cas, ce n’est pas simplement une visite de musée. On sent bien qu’il y a autre chose que l’intérêt artistique, esthétique. Ca nous essayons de le préserver et de le promouvoir.

Pick Kéobandith :

L’art architectural et l’art de la sculpture se sont mis au service de la religion pour construire la cathédrale. Pensez-vous que le fait d’accueillir des manifestations culturelles est une forme de juste retour en direction des arts ?

Doyen Benoît Lobet :

Oui, bien sûr ! Cette cathédrale, je le disais tout à l’heure, elle a d’abord une fonction cultuelle. C’est une église et ça le restera. C’est une église du culte catholique de rite latin. C’est l’église de l’évêque et donc les grandes célébrations liturgiques de la foi catholique ont lieu ici pour le diocèse de Bruxelles. Par exemple la messe chrismale, la messe durant lesquelles on bénit les huiles, les ordinations. Quand on ordonne des prêtres, des diacres généralement c’est ici. Evidemment les grands célébration des grandes fêtes comme Noël, Pâques, la Toussaint. Tous les dimanches et tous les jours il y à la célébration de l’eucharistie.

Mais, il y a une deuxième vocation de cette cathédrale et vous venez de la souligner, c’est sa vocation culturelle !

C’est une église qui est faite aussi pour les beaux-arts d’abord parce que les beaux-arts m’ont beaucoup orné au cours des siècles, au cours de l’histoire en y ajoutant des tableaux de grandes valeurs, en y ajoutant des ornements de toute sorte, de grandes valeurs et, puis, évidemment nous avons la musique.

Nous avons des orgues magnifique depuis vingt ans, les orgues Lenzing qui sont parmi les plus belles d’Europe. Un son très puissant et qui est en même temps très subtil. Il est évident que qu’on ne peut pas cantonner l’usage de ces orgues aux seuls offices liturgiques et qu’il faut ouvrir cela pour des concerts, par exemple. Il y en a souvent, pratiquement plusieurs fois par mois. Des concerts qui sont donnés ici à la cathédrale avec de la musique religieuse mais pas seulement. Il y a aussi régulièrement des expositions d’artistes peintres.

Nous ouvrons le déambulatoire à des expositions et si vous allez voir, pour le moment, nous sommes dans une période préparatoire à Noël et bien nous explosons des crèches de toutes sortes de partie du monde. Il y a beaucoup de communautés chrétiennes d’origine étrangères à Bruxelles.

Il y a de chrétiens qui viennent du Japon de la Corée, de la Chine, de l’Afrique évidemment, de l’Amérique du sud. Nous proposons à ces communautés de venir montrer leur crèche, ce qui est une manière aussi de montrer leur culture et le pays à travers la représentation traditionnelle de la crèche. Pour le moment c’est ça qui est exposée, ici, dans cette cathédrale. Il y a toute sorte de manifestations culturelles au fil de l’année et c’est une vocation tout à fait nécessaire de cette cathédrale.

Pick Kéobandith :

Comment voyez vous la place de l’église au 21ème siècle ?

Doyen Benoît Lobet :

Je pense que la place de l’Eglise comme institution sera plus modeste que ce qu’elle a été dans les siècles précédents.

Le christianisme, chez nous le catholicisme en particulier, a été une religion prépondérante. Quelquefois l’unique la seule et qui marquait considérablement les autres institutions. Ca c’est fini. C’est donc une place nécessairement plus modeste. Je dirais l’église, elle-même, se définit souvent comme un sacrement.

Un sacrement c’est un signe que l’on donne aux gens. C’est un signe efficace. Un signe qui fait ce qu’il dit. Un signal si vous voulez. Donc on dit à un moment donné par l’authenticité la plus grande possible de la vie chrétienne qu’on essaie d’avoir, entre nous, on dit à un moment donné à l’ensemble de la société… faites attention…. faites attention à la qualité de votre vie spirituelle. Ne vous laissez pas submerger par les préoccupations matérielles ou matérialistes.

Par exemple ça va être Noël, ne vous laissez pas bouffer parce que vous allez bouffer… Il y a autre chose… il y a une dimension spirituelle qui est nécessaire. Cultivez-la. Faites attention aux pauvretés. Regardez, il y a là à coté de vous des gens qui n’ont rien du tout et… on ne peut pas vivre dans une société normale sans s’en préoccuper.

Donc c’est un petit signal que l’on donne comme ça, modeste mais réel.

Nous vous remercions, Audry et moi d’avoir accepté de nous recevoir et de répondre aux questions ce matin.

C’est formidable d’apprendre un peu plus sur vous et sur votre Cathédrale merci.

Une Cathédrale au 21e siècle une interview du Doyen Lobet par Pick Kéobandith, au sujet de la cathédrale de Bruxelles un montage et une réalisation d’Audry Hantson, une production Inspirging Culture et Little Tower podcast

Commentaires

2 réponses à “Une cathédrale au XXIe siècle.”

  1. Avatar de Gilles Claeys
    Gilles Claeys

    Merci à Monsieur le Doyen Benoît Lobet, merci à vous qui l’avez interviewé. Cela montre une Église ouverte, accueillante et soucieuse de ce qui importe à Dieu : l’humanité fragile, précaire, sensible. Elle est donc attentive aux larmes et aux rires, à la diversité des langues, des cultures, de la provenance et du présent de chaque personne. Tout cela se perçoit dans les propos du serviteur que vous avez rencontré et qui figure parmi ceux que le Pape François a voulu nommer ambassadeurs de la miséricorde de Dieu.
    Je vous serais reconnaissant de me contacter.. J’aimerais vous faire une proposition. Gilles Claeys

    1. Avatar de Audry Hantson

      Bonjour Monsieur, merci pour votre commentaire. Nous ne l’avons vu que que ce 13 février 2022 vers 09h45. A priori vous l’avez écrit le 12 février, mais peut-être avant, nous pensons que ces dates ne sont pas fiables. Toutes nos excuses si vous avez attendu notre réponse. N’hésitez pas à nous envoyer vos coordonnées sur notre mail : little.tower.podcasts@gmail.com et nous vous rappelerons. Cordialement, Audry Hantson.

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