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Au théâtre, le genre policier est plutôt rare. Lorsque tout se déroule en huis-clos (ou en presque huis-clos pour les puristes), ça l’est probablement encore davantage. Au milieu du petit living d’un appartement, Lou Dossogne, Gérard Gianvitti et leur metteur en scène, Joshua Claeys, réussissent la prouesse de nous emmener à la fois dans une enquête policière, bien loin de ce logement, mais aussi dans les tourments de ces deux êtres qui n’auraient jamais dû se rencontrer.
Ecrit par Maggy Borlez
Mise en scène de Joshua Claeys
Distribution :
Jeanne : Lou Dossogne
Béroua : Gérard Gianviti
Durée : environ 1h15.
Du 26 novembre au 12 décembre
Au théâtre de la Flûte Enchantée.
Pour accéder au site du théâtre :
cliquez-ici
Le point de départ
Jeanne Huberty vit seule dans son appartement.
Un jour, quelqu’un frappe à sa porte. Jeanne va ouvrir. Un homme se présente à elle, c’est le commissaire Béroua. Un peu pataud, pas très vif, sans doute usé par des années monotones de métier, il vient pourtant d’être chargé d’une sale affaire. La nuit dernière, on a tiré sur un homme, dans l’impasse de l’Ange. Si Béroua est venu importuner Jeanne, ce n’est pas par hasard… il a du lourd, du très lourd et cela la concerne.
Le jeu des comédiens
Le jeu des comédiens occupe une place importante dans l’intrigue, il n’est pas qu’à son service. Il en fait partie intégrante, au sens propre. De prime abord les premiers actes pourraient paraître déroutants, mais vous découvrirez, au fur et à mesure de l’histoire des raisons qui justifient l’état initial des deux personnages mais aussi à leurs évolutions.
En effet, une sorte de léger rapport de force discret va petit à petit s’établir entre eux et celui-ci va varier. On envisage même qu’il puisse s’inverser. L’éventuelle emprise de l’un pourrait se répercuter sur l’autre, mais à vous de l’évaluer…
Lou Dossogne et Gérard Gianveti parviennent à nous projeter dans leur monde, le naturel de leurs dialogues nous donne l’impression de vivre le récit, assis auprès d’eux, dans le salon de cet appartement.
Nous sommes pris, c’est vivant et passionnant.
Coups de théâtre et cadrage cinématographique.
La mise en scène est emprunte de précision, de parcimonie. Elle essaime, ça et là, de petits détails bien pensés qui font que ce huis-clos devient bien plus qu’une simple pièce fermée.
Ainsi, l’appartement de Jeanne se transforme en point d’envol pour nous transporter dans d’autres lieux uniquement suggérés par la voix et l’interprétation des comédiens : dans l’impasse de l’Ange, dans des lieux du passé ou encore vers d’autres places bien connues de la ville.
Un subtil changement d’éclairage, et vous retombez dans le moment présent avec la tension des protagonistes, un spot s’allume et vous voilà au cœur d’un possible scénario du crime, arrive la pénombre, la suspecte et le commissaire se retrouvent malgré eux en pleine intimité… en pleine vérité ?
Autant de petits « coups » de théâtre tout à fait concrets. Ils touchent uniquement à la forme de la mise en scène du moment présent et pourtant ils influencent les autres lieux évoqués. Pour nous, c’est inédit, très créatif et ingénieux… on en redemande.
Le placement des personnages, la musique appuient également parfaitement le récit, nous y voyons même un clin d’œil au cinéma, là-aussi, tout en finesse et en harmonie : avant et arrière plan, pleine lumière et pénombre, ou dans une gamme plus contrastée de clairs-obscurs.
Avec ces éléments, cette palette de petits effets, le metteur en scène agit par touches discrètes mais bien pesées. Il y ajoute encore quelques bruitages et des fonds sonores, toujours dans la bonne proportion. Cela nous permet de suivre à la fois l’action présente et l’évocation des autres lieux, ce qui donne un rythme très vivant à l’ensemble, une gageure pour un huis clos. Bravo.
Extrêmement réussie, la pièce sonne juste et nous emporte avec elle dans son histoire ou plutôt dans ses histoires. Il s’agit bien de la rencontre inattendue de deux personnages au tempérament bien différents mais aux passés marqués.
Enfin nous ne serions pas complets si nous ne vous disions, que jusqu’à présent, la pièce n’a jamais été jouée, qu’il s’agit donc d’une première création et que tout se passe dans une ville belge bien connue… mais dont le nom n’est jamais cité… sans doute une volonté de l’autrice… ne comptez pas sur nous pour dévoiler de quelle ville il s’agit.
Les places sont limitées… alors vous savez ce qu’il vous reste à faire !